La Banque, le Trader et la Cour de cassation : clap de fin !

La Cour de cassation donne le clap de fin d’une séquence médiatique (et judiciaire) de plus de 13 ans par un rappel simple : des carences de l’employeur ne constituent pas des circonstances atténuantes et ne font pas perdre à la faute du salarié son degré de gravité.

Pour mémoire, un trader avait été licencié pour faute lourde le 12 février 2008, pour avoir pris des « des positions directionnelles sur différents indices boursiers européens, d’un montant considérable (de l’ordre de 50 milliards d’euros) sans commune mesure avec la limite de risque de [son] activité (125 millions d’euros) [et d’avoir] dissimulé ces positions directionnelles de manière frauduleuse, notamment par de nombreuses opérations fictives et la falsification de documents censés justifier ces opérations. Au total, ces agissements ont causé un préjudice considérable tant sur le plan financier, de l’ordre de 4,9 milliards d’euros, que sur le plan de l’image de l’entreprise ».

L’ex-trader avait saisi la juridiction prud’homale en contestation de son licenciement et avait obtenu gain de cause après avoir fait état comme circonstances atténuantes à sa faute, des propres carences du système de contrôle de son employeur, carences qui avaient donc rendu possibles ses positions directionnelles inconsidérées.

La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 19 décembre 2018, infirme les premiers juges et déboute l’ex-trader. Elle requalifie néanmoins au passage le licenciement pour faute lourde en licenciement pour faute grave, après avoir retenu que le salarié avait agi dans un esprit de « lucre » mais sans intention de nuire à son employeur ! En parallèle, la Cour d’appel loin de retenir une quelconque circonstance atténuante, avait au contraire qualifié de circonstances aggravantes les compétences du salarié, son niveau de responsabilité et le fait qu’il ne pouvait ignorer les risques encourus par son employeur de positons prises à 50 milliards d’euros alors même que les fonds propres de la Banque ne s’élevaient qu’à 31,275 milliards d’euros.

L’ex-trader s’est pourvu en cassation au motif notamment, que la Cour d’appel avait refusé d’apprécier les multiples carences et manquements de son ancien employeur.

[Rappelons que ces manquements avaient amené la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 19 mars 2014 (Cass. crim. 19 mars 2014 n°12-87416) a confirmé le partage de responsabilité entre la banque et son trader, partage ayant permis au trader de voir sa condamnation pécuniaire considérablement « réduite » à un million d’euros, par la Cour d’appel de renvoi de Versailles, dans son arrêt du 23 septembre 2016].

La Cour de cassation, dans son arrêt du 17 mars 2021, rejette le pourvoi et confirme la Cour d’appel et le licenciement pour faute grave de l’ex-trader, après avoir pris soin de rappeler dans son « attendu » de principe que les carences graves du système de contrôle interne de la banque, qui avaient rendu possibles le développement de la fraude et ses conséquences financières, ne faisaient pas perdre à la faute du salarié son degré de gravité.

Il ne fait nul doute que l’importance de la fraude et des dissimulations opérées par le trader ont amené la Cour d’appel de Paris puis la Cour de cassation a adopté cette solution écartant sans réserve les carences de l’employeur comme circonstances atténuantes.

L’occasion ici de rappeler que l’attitude de l’employeur ou des manquements de celui-ci ont déjà été jugés par le passé comme pouvant caractériser une circonstance atténuante permettant d’écarte la faute grave et même la cause réelle et sérieuse d’un licenciement (cf. Cass. soc. 12 décembre 2018 n°17-17680 ; Cass. soc. 24 avril 2013 n°11-23391). Dans ces espèces néanmoins, les manquements de l’employeur étaient d’égale importance, face à des fautes du salarié qui n’étaient pas d’une « particulière gravité » …

Les carences d’un système interne de l’employeur n’atténuent pas la gravité de la faute reprochée au salarié (Cass. soc. 17 mars 2021 n°19-12.586 K. c Sté Générale)